LOCAVORE « FOR EVOR »…

Locavores et fiers de l’être, nos repas de fêtes ne dérogeront pas à la règle du « peu de kilomètres » ! Less is more, une fois encore ! Exit les repas gargantuesque avec farandoles de produits sur-emballés, dans notre cabane, nous opterons pour quelques mets achetés directement aux producteurs. Bord de mer oblige, cette année, nous nous régalerons d’un plateau d’huitres ! Seulement savons-vous les déguster dans les règles de l’art ? L’ostréiculteur Marc Druart prend la reine des mollusques par les valves et nous dévoile tous ses secrets… je vous présente ?!

Il est midi. Nous nous trouvons au port de Larros, à Gujan-Mestras au cœur du Bassin d’Arcachon, dans son fief. Lui, c’est Marc Druart, homme de 62 ans à l’allure élancée et aux cheveux gris, dont les aïeux ont assisté à la naissance de l’ostréiculture (telle qu’on la connait) selon l’édit de Napoléon qui voyait la ressource menacée.

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La cabane des huîtres Papillon, lieu de dégustation et de vente installée sur la digue, est une barque bien menée permettant la vente, en circuit court, du fruit du labeur de l’ostréiculteur traditionnel Marc Druart, qui fait encore naître ses huitres en mer et non dans des écloseries, non triploïdes donc !

Chez lui, les huîtres ont été par 2 fois médaillées d’or et auréolées d’un prix d’excellence. Il  a été pendant 14 ans président de la profession conchylicole du Bassin et consacré champion des écaillers. Aussi, qui mieux que Marc peut nous initier à la dégustation des huîtres dans les règles de l’art ?

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Malgré les diverses tempêtes, Marc, comme une poignée d’autres paysans de la mer, contre vents et marées a tenu bon la vague.

1- D’abord, ouvrir les huîtres

« C’est grâce à son muscle adducteur que l’huître s’ouvre et se ferme, muscle qui lui permet de se protéger des prédateurs et de rester en vie une fois sortie de l’eau, explique le spécialiste. Ce sera donc ce muscle qu’il faudra sectionner pour ouvrir la bête. »

Pour être honnête, c’est bien la première fois que je regarde l’huître yeux dans les yeux. Moi qui compte parmi les consommatrices sporadiques et qui ai longtemps fait partie du clan des « gobeurs », ceux-là mêmes qui ferment les yeux et noient le poisson avec une tartine de seigle copieusement beurrée !

Rappelons qu’en France, l’écaillage serait responsable de 2000 accidents par an !

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Méthode la plus classique mais attention on peut casser la coquille. 

J’observe attentivement les gestes augustes de l’homme qui ouvre les huîtres plus vite que son ombre.

« Voici les 3 méthodes que je préconise pour ne pas se mutiler la main. Le gant peut s’avérer salvateur, aussi n’hésitez pas à vous en équiper. »

Première méthode, la plus classique

Placez le couteau à lame courte, pointue et solide dans le creux de la main, valve creuse en dessous, pouce près du bout de la lame, elle même pointée aux 2/3 du coquillage. Là, vous venez gentiment l’introduire dans la charnière avant d’effectuer un mouvement de pivot horizontal (précisons que la résistance de l’huître est un gage de fraîcheur !). Pour finir, vous coupez franchement le muscle, avant de soulever délicatement le couvercle et d’ôter les éventuels résidus d’écailles.

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Méthode d’ouverture par l’arrière, pas mal aussi. Les restaurateurs l’adorent.

Seconde méthode « par l’arrière »

Elle exige la même position de main, seulement cette fois vous viendrez sectionner le muscle depuis la charnière par un mouvement de rotation, de haut en bas, depuis la base du mollusque.

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Méthode réservée aux femmes mais ça marche pour les hommes aussi.

Spécial femmes, oui c’est un peu discriminant ! 😉

Enfin, ces dames procèderont « attablées ». Pour ce faire, il suffira de poser l’huître encore fermée sur le plan de travail, de la maintenir fermement à plat afin de cibler une fois encore la fameuse charnière, puis le muscle, dans un mouvement rotatif horizontal.»

Élève studieuse et farouchement motivée, je tâche d’exécuter, tant bien que mal la 3e méthode. Marc corrige mes gestes, tout en s’activant à préparer ses plateaux qui doivent convoler vers la terrasse où les clients l’attendent. Ce qui devait arriver arrive, la pointe du couteau vient gentiment se loger dans ma paume. Plus de peur que de mal, ce n’est qu’une éraflure, le métier qui rentre.

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Autrefois, on surnommait l’huître « rince gueule ». Associée au champagne, elle aurait en effet le pouvoir de remettre les estomacs les plus détraqués en place. 

2- Ensuite, s’assurer de leur fraîcheur

Les clients rassasiés, notre loup de mer peut enfin s’octroyer une pause. Nous l’attendons autour d’une assiette pour une dégustation en bonne et due forme. Marc tempête : « Ici, on savoure d’abord l’huître brute avant de la dénaturer avec quelque giclée de citron ou autre lampée de vinaigre aux échalotes ! Sans quoi, impossible de se délecter de ses arômes. » Pour ce qui est du test de fraîcheur, « inutile, selon le producteur, d’effleurer les branchies ou de verser une goutte de citron sur le ventre du mollusque car le froid peut avoir déjà fait son œuvre. En effet, une huître réservée au frais ne réagira pas ou ne se rétractera pas si la basse température l’y a déjà poussée. D’aucuns conseillent également de jeter la première eau, celle que l’huître recèle à l’ouverture, je ne suis pas de ceux-là, ce précieux liquide que renferme le coquillage est un véritable shoot d’eau de mer ! » 

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 Avec plus de 150 000 tonnes d’huîtres produites et plus de 100 000 tonnes consommées par an (soit plus d’1,75 kilo par personne), les Français sont les plus grands consommateurs d’huîtres au monde. 
Pour s’assurer que la bête est bien fraîche, trois indices nous mettent sur la voie : la présence d’eau (une huître sans eau est une huître morte), la couleur (une huître grise doit éveiller les soupçons), l’odeur (l’odeur d’œuf pourri doit vous alarmer). Notez que l’ouïe aura été sollicitée au moment de l’écaillage. En effet, le professionnel cogne les coquilles entre elles avant de les ouvrir. Celles qui sonnent « creux » seront dès lors écartées.
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3- Enfin, les conserver et les déguster

Rappelons que l’huître se conserve comme un légume jusqu’à une semaine, à une température comprise entre 5° et 7° C, balcon, terrasse (en hiver) ou bac du réfrigérateur peuvent donc faire l’affaire. Maintenez-les toutefois à plat pour les empêcher de bailler (oui, oui) et de perdre leur eau. Pour finir, rien de tel qu’un lit moelleux d’algues goémon saupoudré de glace, car selon notre professeur « l’huître se déguste fraîche, mais jamais au grand jamais glacée ! »

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L’huître ne s’avale pas, elle se déguste. Gober serait du gâchis au regard du temps et des efforts qu’il aura fallu pour l’amener à maturité. 

Comme pour le vin, notre expert conclut en abordant la notion de crus que seuls les palais experts savent apprécier « les sites d’élevage : sableux, minéraux, vaseux, avec algues… la courantologie (comprendre l’étude des courants marins), le temps et le mode d’affinage sont variables au point d’offrir un terroir en bouche. »

Je m’exécute. J’ai l’impression de déguster une huître pour la toute première fois. J’en redemande.

« Sa papillon« , comme Marc la surnomme, subtilement marquée du sceau de la mer, se reconnaît à son notoire goût de noisette. « Encore faut-il la croquer en prenant soin de terminer par le disque musculeux qui doit être tendre et ferme, la quintessence du coquillage, en somme. »

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Invitation à la dégustation décomplexée vous est désormais donnée. Gageons que vous aurez également matière à discuter avec votre tablée. Reste toutefois à choisir l’alliance œnologique de circonstance. On s’en reparle ?

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Article écrit pour Oui Mag !, Le magazine de La Ruche qui dit oui. À retrouver ici :

https://magazine.laruchequiditoui.fr/manger-huitre-classe-baronne-de-rothschild/

Photos signées ©Olivier Cochard

2 réflexions sur “LOCAVORE « FOR EVOR »…

  1. La pintade aixoise dit :

    Des crus d’huîtres ? Diantre, à part la géographie… J’en apprends une là ! Quel délice. Point de tout ça chez nous cette année (je suis la seule à en être folle et l’autre membre de la famille qui les adore est à 900km !) mais du local aussi : chapon d’Ardèche, clémentines de Corse bio (ok, c’est loin la Corse mais mon que la Californie ;-)), fenouil, oignons échalotes et pommes de terre d’Aix. On avance ici aussi ! Encore merci pour votre si joli blog !

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