Frites, beignets, churros, chichis, l’été connaît sa valse d’acides gras que le circuit classique des ordures ménagères, à l’instar de notre estomac, ne peut digérer. Sur l’île d’Oléron, l’association Roule ma frite 17 recycle les huiles de friture pour faire tourner les voitures.
Une navette nommée barquette
Ils s’appellent respectivement José et Renée, souffrent d’ostéoporose et d’une blessure à la cheville due à une chute de vélo et comptent parmi les bénéficiaires directs de la ténacité des 4 salariés de la petite entreprise Roule ma frite 17. Quand on aborde avec eux le sujet du recyclage des huiles végétales usagées qui alimentent le bolide qui les emmène partout, ils ne cachent leur enthousiasme ni leur reconnaissance :
« Quand nous avons la chance d’avoir des enfants ou des petits-enfants, ils ne vivent pas toujours sur l’île. De fait, il n’est pas toujours évident de rester indépendant, d’autant que le supermarché, c’est pas la porte à côté ! Heureusement, nous pouvons compter sur Édouard et sa barquette pour nous emmener, au besoin, jusqu’au marché ou chez le poissonnier !»
La barquette d’Édouard, c’est le camion de la ville de Dolus qui transporte partout travailleurs saisonniers, demandeurs d’emploi, personnes âgées, bénévoles des Restos du cœur. Pour en bénéficier, il suffit d’appeler Édouard, natif de l’île, qui effectue son service civil. Toute la journée, doté d’un sourire affable et d’une ponctualité sans faille, il déplie et replie l’escalier escamotable, soutient les voyageurs le temps de la montée ou de la descente et maintient le lien social.
Derrière cette belle idée : Grégory Gendre, ancien cadre chez Greenpeace. Enfant du territoire insulaire et sensibilisé au problème du recyclage, il s’est inspiré d’une initiative allemande (reprise dans un premier temps à Marseille), a fondé l’association Roule ma Frite 17, label de collecte d’huile usagée, voilà maintenant 9 ans. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’île ne manque pas d’huile ! En effet, les touristes friands de friture sont légion sur l’île d’Oléron pendant la haute saison. La population passe aux beaux jours de 20 000 à 200 000 habitants.
Le plein d’huile
Francis et Évelyne Lucas, propriétaires du Merluchon, lieu plébiscité de restauration sur le pouce du port de la Cotinière (qui proposent un fish and chips roboratif à la sauce oléronaise à base de pommes de terre locales et de merluchon fraîchement débarqué !) comptent parmi les convaincus de la première heure.
« La collecte nous évite, gratuitement ou presque, d’apporter nos huiles usagées en déchetterie ! s’enthousiasment les restaurateurs. Au-delà de l’aspect environnemental (ce déchet et sa combustion dans un moteur ne génèrent aucun gaz) et des économies engendrées (le nettoyage des réseaux d’assainissement coûtait auparavant quelque 10 000 euros à la Communauté de communes), l’action de Roule ma frite se veut également sociale.
C’est fabuleux de se dire que l’huile usagée de nos fish and chips permet la circulation d’une navette dédiée au déplacement de personnes âgées isolées et esseulées ! Comment ne pas adhérer à l’idée d’exploiter cette ressource gratuite et dont nous ne savons que faire ? ».
Collecter sur les lieux mêmes de gisement les huiles alimentaires usagées, c’est ce à quoi s’emploie chaque jour Romain, qui effectue quotidiennement ses tournées en fourgonnette et transforme méticuleusement ce précieux liquide depuis l’Écopôle de Dolus-d’Oléron, station de filtration financée par la Communauté de communes qui tourne à plein régime. Après avoir collecté les huiles usagées, vient l’étape de la décantation en cuves, processus naturel qui permet de dissocier le dépôt : détritus alimentaires, huiles de palme ou de coco, des huiles de tournesol, colza, olive… Le tout suivant un procédé de filtrage écologique…
Huile sur le feu
Simple comme bonjour de trouver des débouchés aux huiles purifiées ? Oui et non. Difficile de faire son beurre face à la loi de ce nouveau marché ! D’autant que les acteurs de cette juteuse filière n’ont ni le même profil, ni les mêmes desseins.
À juste titre, Romain enrage ainsi à l’encontre des poids lourds de la filière qui achètent l’huile là où son association la récolte sans contrepartie ! « Véolia propreté (filiale de Total) a lancé sa première usine de biodesel à Limay (78) en s’associant au géant producteur Lesieur ! L’huile est ainsi transformée par un procédé chimique de transestérification puis séparée en esther pour carburant et en glycérine. Vendue à des compagnies pétrolières, elle entre pour 7 % dans le gazole fossile. Quota qui permet à la multinationale de bénéficier de «grasses» subventions. Idem pour la chaîne de restaurants McDonald’s qui a plongé dans le bain de ses huiles usagées dès 1999 afin de les commercialiser.»…
Ceci est une « mise en bouche » de l’article, retrouvez-le dans son intégralité sur : https://magazine.laruchequiditoui.fr/de-la-friteuse-au-reservoir-de-taxi/
Photos signées ©Olivier Cochard
Bonjour Marie,
Grégory Gendre a fait là un énorme travail. Bravo à lui.
La Communauté de Commune de l’Ile d’Oléron va bientôt expérimenter la collecte des déchets coquilliers des ménages. Des bigbags vont être mis à la disposition des habitants dans les 2 déchetteries de l’ile. Ils pourront venir y déposer les coquilles vides d’huîtres, moules et autres bulots. Une fois plein , les bigbags seront envoyés à la société Ovive de La Rochelle-Périgny. Là-bas, ces coquilles seront transformées en écailles pour les poules pondeuses. Voir votre livre « Les Epluchures ». …
La CDC d’Oléron distribue des poules aux habitants pour recycler les déchets organiques.
La société Ovive s’y associe en donnant des sacs de 1kg d’écailles de coquilles d’huîtres.
Et voilà, la boucle est bouclée !
A bientot.
Un grand merci Jean-Luc, pour ce complément d’informations ! Au plaisir de vous croiser sur les chemins de l’upcycling ! 😉