Dans le voisinage, on l’appelle le poète. Alors ça lui est resté. Clément Baillet est un libre éleveur. Un chevrier qui, à Saint-Sever, tout près de Mont-de-Marsan, a non seulement relancé la race des chèvres pyrénéennes mais aussi inventé un nouveau concept, l’agriculture poétique.
Dans sa ferme de Bacotte, au beau milieu des plaines de maïs irrigué, Clément, bonnet de laine piqué de paille vissé sur la tête, est en pleine traite. Le fromage qu’il produit grâce au lait de ses chèvres pyrénéennes n’est cantonné qu’à un seul label, le sien : AP, abréviation D’Agriculture Poétique. Sans se détourner de son travail, il se lance dans le récit de sa vie à la manière de monsieur Seguin.
Tout commence il y a dix ans. Ce fils et petit-fils de métayer arrive ici avec huit biquettes pour débroussailler un petit lopin de terre familial et y faire pousser son rêve : devenir chevrier et vivre d’une production fromagère exemplaire. Le projet était un peu fou, 100 % autofinancé, 100 % plein air, et 100 % autonome, confesse le presque trentenaire.
La ferme de Bacotte, c’est : un troupeau de 70 chèvres des Pyrénées pour la production de lait et de chevreaux, des porcs gascons nés et élevés en forêt pendant quinze mois, des oies de Toulouse nées, élevées et gavées à la ferme.
La traite est terminée. Clément trie ses bêtes. Avec un troupeau de près d’une centaine de têtes, ça se bouscule un peu au portillon. Mais le jeune homme à l’habitude d’orchestrer les opérations, appelant chacune par son prénom : Sheila, Jupiter… Certaines ont mis bas il y a quelques jours seulement, les chevrettes sont encore sous la mère, ce qui rend les petites un peu plus sauvages que celles qui sont passées au biberon. Et le passionné de poursuivre son épopée.
Le fait de respecter la saisonnalité (les chèvres ne produisent du lait que de mars à décembre) permet à Clément de s’absenter de temps en temps, relayé par Marie, et même de voyager et d’aller humer l’air du temps dans d’autres contrées : Cuba, le Chili, les Caraïbes… notre poète n’est pas en reste côté transhumance !
De plumes et de poils
Seulement quelques mois après son arrivée sur ses terres familiales donc, Clément invite un groupuscule de porcs gascons et d’oies de Toulouse à grossir le rang de ses huit chèvres pyrénéennes, une race de sauvegarde délaissée au profit de l’alpine et de la saanen (plus productive et plus encline à rester confinée). Si les pyrénéennes présentent une lactation modeste, ce qui peut représenter un handicap pour la rentabilité d’un atelier, c’est sans compter sur leur résistance, leur rusticité et la richesse de leur lait, qui donne un fromage à l’incroyable goût de terroir, s’enthousiasme Clément. Aussi, dès la première année, grâce à son élevage de plumes et de poils, l’éleveur produit de beaux fromages, des terrines de porc gascon et des foies gras exceptionnels, et connaît ses premiers clients réguliers.
Nous sommes désormais en 2010. Valentin, le petit frère de Clément, et Marie, une amie, rejoignent l’aventure. Ensemble, ils lancent une campagne de financement participatif pour créer la fromagerie et dessiner les contours de la ferme de Bacotte. Elle ne se fera pas de n’importe quelle façon, certainement pas selon n’importe quelle condition, ni à n’importe quel prix. Bon sens et respect seront les maîtres-mots du projet. L’aventureux trio réussit à collecter les 8500 € nécessaires pour remettre aux normes le local, y adosser un sas sanitaire et investir dans du matériel qui fait encore défaut.
Échange de bons procédés
Pour nourrir leurs bêtes qui apprécient particulièrement les espèces végétales forestières et la flore des prairies, Valentin, Clément et Marie concluent un pacte avec le conseil général et la Mairie. Par tous les temps et en toute saison, le troupeau du trio sillonnera les routes du village afin de pâturer diverses variétés fourragères, pendant que les parcelles de l’exploitation s’octroieront un peu de répit. Exit le roto-fils et son bruit assourdissant, le cheptel de petits ruminants se charge désormais d’entretenir tout le paysage avoisinant.
Barbe, barbichette, mèches, frange… chez les pyrénéennes, longueur de poils et robes multicolores, c’est toute une histoire.
De la poésie, quand on y regarde bien, il y en a dans chaque décision de la ferme Bacotte. C’est pourquoi, face à ce qu’il nomme la sordide dérive productiviste, le trépidant Clément a d’emblée souhaité se positionner sur un créneau alternatif et se libérer des standards de labellisation quels qu’ils soient. Ainsi, il imagine en 2014 son fameux label en deux lettres, AP. Il s’agit là d’une sorte de cahier des charges favorisant les races anciennes, respectant les ressources de l’environnement, les modes de production naturels, la transformation in situ et la diffusion à l’échelle locale.
Marie, la douce fromagère…
« Pour moi, la qualité d’un fromage dépend de la relation entre l’éleveur, son troupeau et le biotope. Est-ce qu’un fromage bio élaboré à partir du lait de chèvres cloisonnées entre néons et béton a de l’intérêt ? Je ne crois pas. »
Devant l’engouement de nombre de producteurs pour la marque déposée et le désir de beaucoup d’adhérer à un réseau du même nom, Clément a dû formaliser un peu la chose, avec une charte entre autres. Aujourd’hui, six fermes se revendiquent de l’appellation AP.
Des gars comme Clément, ça ne court pas les rues, ni les champs d’ailleurs..
Depuis dix ans, à Saint-Sever, sur 7 hectares, la ferme de Bacotte défend une agriculture raisonnable pour une consommation raisonnée, conclut le chevrier-poète.
Article écrit pour OUI MAG ! À retrouver ici : AGRICULTURE POÉTIQUE
Photos signées ©Olivier Cochard
Génial !!!! Je traville Graham au corps pour qu’il ait des chèvres !!!!! C’est pas gagné !!! L’article est super, les photos tan biène !!! Grosses bises Pascale
Pascale Moteki http://www.pascalemoteki.com Tel: +33 (0)9 54 02 99 12
Cet email est envoyé depuis un ordinateur fourni en électricité 100% renouvelable par Enercoop
Ouhhhh quel beau projet et puis Graham n’aurait plus à tondre !!! Des petites chèvres à la retraite, ça se trouve ! 😉
C’est beau! On apprécie les belles initiatives et le côté poétique et on espère que ça fera des émules…
merci pour la présentation!
Jul’