PRODUIRE VICTUAILLE ET POISCAILLE !

Le vrai géant vert, c’est lui. Pas celui qui fait pousser du maïs jaune fluo mis en conserve, à grand renfort d’OGM. Non, Grégory, son truc, c’est l’aquaponie, une technique qui permet de produire tout à la fois du poisson et des légumes…

Devant ses serres de 880 m2 auto-construites à Créon, petite bourgade girondine à 30 kilomètres de Bordeaux, Grégory Biton est fier de présenter ses ouvriers agricoles :  1400 truites arc-en-ciel responsables de la production de 300 kilos de mâche, fenouil, chou rave ou coriandre par semaine… Dans cette ferme du XXIe siècle, les déjections des poissons servent d’engrais pour les plantes qui purifient à leur tour l’eau pour les poissons. Une association de bienfaiteurs particulièrement productive. Bienvenue chez De l’eau à la bouche, première ferme aquaponique professionnelle de France.

Grégory, heureux comme un poisson dans l’eau raconte sa formidable reconversion professionnelle. Comme souvent, tout a commencé vers la quarantaine. À cette époque, parce qu’il n’est plus en phase avec ses idées, l’ingénieur en matériaux, tourne le dos au chantier naval sur lequel il travaillait. Direction la terre ferme, celle que l’on bêche et qui nourrit. Dans un premier temps, le solide gaillard breton cherche seulement à alimenter quotidiennement sa famille en produits frais. Passionné par la recherche de systèmes de vie durables, il consacre des milliers d’heures et d’euros à se documenter et à tout expérimenter depuis le fond de son jardin situé en lisière de forêt.

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L’envie de se nourrir mieux et d’offrir un futur souhaitable est venu avec l’arrivée de notre premier enfant. Pour remplir son garde-manger de produits sains et ultra-frais, rien de tel que de les produire soi-même. Restait à trouver une solution compatible avec nos vies modernes, bien remplies elles-aussi.

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Au cours de ses recherches sur le net, le féru de permaculture finit par tomber sur un site australien qui parle d’aquaponie. La révélation ! Grégory décide de construire une serre à l’échelle domestique, inspirée des maisons bioclimatiques, afin d’y installer son tout premier système aquaponique.

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Un stage aux États-Unis et un aller-retour à Mexico plus tard (pour découvrir les chinampas qui ont entre autres inspiré cette technique) et notre aquaponiculteur amateur lance avec avec Paola, son épouse d’origine mexicaine et une poignée de copains, la première micro-ferme aquaponique professionnelle de France.

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La crème des engrais

La reconversion n’est pas un long fleuve tranquille. Dénicher un lopin de terre n’est pas une chose aisée. Les propriétaires fonciers de cette partie du bordelais essentiellement des viticulteurs rechignent à céder des hectares. Heureusement la SAFER soutient le projet. Montage des serres, installation d’un récupérateur d’eaux pluviales… la ferme se monte finalement en un temps record. Et à l’automne 2016, les premières plantations commencent dans de grands bacs de plus de 50 mètres de long alimentés par l’eau enrichie aux crottes de poissons.

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Au démarrage d’un système aquaponique, l’eau est presque claire. Il faut un certain temps pour que les choses se mettent en place et que les poissons mangent et défèquent en quantité suffisante, accumulant ainsi une banque de nutriments dans l’eau.

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Ici, les plantes poussent de façon très volumineuse, à vue d’œil ! Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont que très peu d’efforts à fournir pour puiser de l’eau, des nutriments… Incroyable, mais vrai, une plante qui a tout à portée de racines, passe toute son énergie à se développer.

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[Petite piqûre de rappel pour ceux qui n’auraient pas eu le polycopié]

Dans une ferme aquaponique, les poissons sont élevés en bassins. Nourris par l’homme, ils défèquent dans l’eau. Cette eau est recyclée au moyen d’une pompe vers des bacs de culture. Les déjections sont alors dégradées par un système de bactéries. Il s’agit là d’une sorte de « compostage » humide ! Ainsi dégradées en engrais, les crottes dissoutes sont gentiment dirigées dans les bacs de culture hors sol. Les plantes, installées sur des radeaux n’ont plus qu’à tendre leurs racines pour profiter de leurs apports. En puisant ces fameux nutriments, elles purifient l’eau qui peut s’acheminer de nouveau vers les salmonidés. La boucle est bouclée.

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Énergivore, l’aquaponie ?

Grégory, qui ne noie jamais le poisson de répondre sans tarder à la question : Oui, car la mise en mouvement de l’eau nécessaire au bon fonctionnement du système consomme de l’énergie, néanmoins cette énergie doit être mise en regard des bénéfices attendus ! La possibilité de rapprocher la production du consommateur, limitant ainsi le transport, aura tôt fait de refaire basculer la balance énergétique du bon côté. À titre d’exemple, le système d’aquaponie domestique qui nourrit notre famille et profite aux amis, consomme environ 60 W en continu, ce qui est en dessous de la consommation des appareils en veille d’un foyer moyen. 

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Et l’organoleptique dans tout cela ? Vous me demandez si les légumes ayant poussé dans l’eau et fertilisés aux excréments de poisson ont un goût de caca ? Évidemment loin de nous cette idée, nous sommes toutefois pendus aux lèvres de notre formateur… C’est une interrogation qui revient souvent dans la bouche de ceux qui, amusés, entendent parler d’aquaponie pour la première fois ! Les légumes du potager de vos grands-parents, traditionnellement fertilisés au fumier de cheval ou de vache l’avait-il ?

Je me suis, par ailleurs, prêté à une expérience amusante l’année passée. J’avais planté deux pieds de tomates cerises de la même variété : l’un dans mon potager, l’autre dans le système d’aquaponie en serre afin de faire goûter leurs fruits à tous les nouveaux visiteurs curieux de mes expériences. Résultat ? 100% des gens ont trouvé plus goûteux et plus sucrés les fruits cultivés en aquaponie ! Pour quelles raisons ? La serre ? Les carences de la terre ? Je n’ai pas la réponse, mais les résultats sont là !

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Autre bonne nouvelle, rares sont les limaces suffisamment acrobates pour escalader le système et rares sont les oiseaux assez téméraires pour s’aventurer dans la serre. Autrement dit, Grépory et ses compères profitent pleinement du fruit de leur non-labeur.

D’ailleurs, mieux que la fête des voisins, chaque année au mois de juin, Grégory convie les copains pour une fête de la truite, dans le fond de son jardin ! Au programme : truites à la plancha accompagnées de dégustation de fleurs de capucines, choux-rave et salades croquantes à souhait… Dis Grégory, on peut s’inviter ?

Article réalisé pour Oui Mag ! Le magazine de La ruche qui dit oui, à retrouver ici :

Oui Mag !

https://aquaponie.net/

Photos signées ©Olivier Cochard

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